Chiton

Il n’a pas été taillé pour briller dans un palais ni pour se montrer sur une estrade. Ce chiton a la simplicité des vêtements qu’on enfile par nécessité, mais ceux qui l’ont porté savent qu’il recèle un charme singulier.

On dit qu’il fut autrefois la parure d’un marcheur infatigable, un homme sans nom qui traversait royaumes et montagnes, laissant derrière lui des récits plus que des traces. Dans les villages, on l’apercevait parfois au détour d’une ruelle, drapé dans ce tissu au tombé délicat, s’arrêtant pour échanger une histoire ou offrir son aide avant de repartir. Les enfants l’appelaient le porteur d’horizons, car son chiton était toujours imprégné de poussière de terre aux couleurs venues d'ailleurs.

Ce vêtement portait en lui la mémoire des haltes brèves, des rencontres éphémères, des banquets improvisés sous les étoiles. Chaque fil effiloché raconte un détour imprévu, chaque frange arrachée une aventure dont personne n’a jamais connu la fin.

Aujourd’hui, il reste une seule pièce. Certains y voient une relique sans valeur, d’autres une invitation au départ. Car à l’instant où l’on enserre ses épaules de ce drapé, il semble chuchoter au creux de l’oreille : « Tu n’es jamais vraiment perdu tant que tu continues à marcher. »